article de Fabrice Mottez
3 JANVIER 2003
Une équipe d’astronomes français et américains a découvert du sel dans l’atmosphère de Io. Le sel ne peut rester longtemps à l’état gazeux, même en faible quantité. D’où vient-il ? Que devient-t-il ?
Io est un des plus singuliers satellites de Jupiter. Il en est très proche (à seulement 3 rayons joviens, contre 60 rayons terrestres de distance pour la Lune) et tourne en orbite synchrone avec Jupiter (Io tourne toujours la même face vers Jupiter).
Mais Io subit aussi l’influence d’Europa et de Ganymède (la période de rotation d'Europa autour de Jupiter est moitié moindre que celle de Io et le double de celle de Ganymède). L’influence gravitationnelle répétée d’Europa et Ganymède exerce de fortes contraintes sur Io, des contraintes semblables à des effets de marée. Io n’a pas d’océan et les marées agissent directement sur la forme du globe.
Les déformations du satellite sont bigrement importantes (jusqu’à 100 mètres d’amplitude !) et engendrent des frottements internes qui chauffent le magma. Celui-ci s’échappe en perçant la croûte superficielle, c’est à dire par volcanisme.
L’existence de volcans sur Io a été découverte en 1979 par la sonde Voyager 1, puis confirmée par toutes les sondes spatiales qui s’en sont approchées depuis.
Io est une petite planète, incapable de retenir une atmosphère dense. Les effets gravitationnels de Jupiter et les interactions avec la magnétosphère arrachent une bonne partie des gaz de son atmosphère. On en retrouve des traces tout au long de l’orbite de Io autour de Jupiter, dans une région dénommée le tore d’Io.
L’atmosphère d’Io est donc très ténue, la pression au sol est de l’ordre du millionième de la pression de l’atmosphère terrestre. La présence de dioxyde de soufre a été détectée dès le survol de Voyager en 1979. Dans les années 1990, des observations en radiations millimétriques (conduites à l’IRAM) et ultraviolettes (télescope spatial Hubble) ont permis une description un peu plus précise. Elle est constituée essentiellement de dioxyde de soufre SO2, de monoxyde de soufre SO, et de souffre moléculaire S2, rejetés directement par les éruptions volcaniques et produits par l’évaporation de glaces de SO2 qui recouvrent la surface.
Cependant, on suspecte la présence d’autres constituants. En 1974, on détecta un nuage de sodium (Na) situé aux alentours du tore d’Io. On présuma que ce gaz s’était échappé de l’atmosphère de Io. On fit une estimation du taux auquel le sodium s’échappe du satellite.
En 1999, on observa autour de Io du chlore (Cl) avec une abondance voisine de celle du sodium. Ceci suggéra une origine commune. Un des meilleurs candidats étant le chlorure de sodium (NaCl), autrement dit, le sel de table.
Des observations conduites en janvier 2002 par une équipe franco-américaine au radio-télescope de 30m de l’IRAM (Pico Veleta, Espagne) ont confirmé l’existence de chlorure de sodium à l’état gazeux dans l’atmosphère de Io.
D’où vient il ? Les seules sources capables d’alimenter l’atmosphère de Io sont le volcanisme et l’évaporation. Or le sel ne s’évapore pas. Et comme ce composé est instable sous forme gazeuse, sa présence dans l’atmosphère ne peut être qu’une conséquence transitoire de l’activité volcanique de Io. C’est pourquoi on pense que la présence de chlorure de sodium dans l’atmosphère de Io est restreinte aux zones de volcanisme.
Puisque le sel ne peut rester longtemps sous forme gazeuse, que devient-il après son entrée dans l’atmosphère? Les modèles théoriques indiquent qu’en quelques heures, la plupart de ces molécules retombent au sol où elle condensent, ce qui explique peut être la couleur blanche de certains terrains (par opposition à la couleur jaune des dérivés de la molécule de souffre). Une minorité des molécules de chlorure de sodium atmosphériques quitterait Io sous forme moléculaire (0,1%), ou atomique (1 à 2 %) après dissociation par des photons ultraviolets en provenance du Soleil. Cette faible partie échappée du satellite serait à l’origine des fameux nuages de sodium et de chlore gravitant dans les parages du satellite.