Saturne en pince pour le Crabe

article de Laurent Laveder
27 DECEMBRE 2002

Ce montage approximatif donne une idée du rapport de taille entre la Nébuleuse du Crabe (6 minutes d’arc par 4) et la planète Saturne (45 secondes d’arc avec ses anneaux) dans la nuit du 4 au 5 janvier 2003, vers minuit. On y voit aussi l’inclinaison de la planète, l’ouverture de ses anneaux et la région de la nébuleuse qui sera traversée. Bien entendu, la différence de luminosité entre M 1 et Saturne est telle que la planète risque fort de cacher la nébuleuse à cause de son éclat aveuglant. En réalité, ce que vous verrez à travers un instrument devrait plutôt ressembler à la photo suivante.
Ce montage approximatif donne une idée du rapport de taille entre la Nébuleuse du Crabe (6 minutes d’arc par 4) et la planète Saturne (45 secondes d’arc avec ses anneaux) dans la nuit du 4 au 5 janvier 2003, vers minuit. On y voit aussi l’inclinaison de la planète, l’ouverture de ses anneaux et la région de la nébuleuse qui sera traversée. Bien entendu, la différence de luminosité entre M 1 et Saturne est telle que la planète risque fort de cacher la nébuleuse à cause de son éclat aveuglant. En réalité, ce que vous verrez à travers un instrument devrait plutôt ressembler à la photo suivante.

NASA et équipe Hubble Heritage, Robert Gendler

Le 4 janvier 2003, Saturne traversera (« passera devant » est le terme exact), la nébuleuse planétaire M 1, dite Nébuleuse du Crabe. Même s’il n’est pas sûr que la nébuleuse soit visible dans l’éclat éblouissant de la planète, cet événement exceptionnel mérite quand même d’être observé.

Le passage de Saturne devant M 1 est idéalement placé pour les observateurs d’Europe de l’Ouest.

La planète « entrera » dans la nébuleuse du Crabe le 3 janvier 2003 et en sortira le 5. C’est dans la nuit du 4 au 5 janvier, à 23h00 Temps Universel (minuit heure locale en France) qu’elle sera à mi-chemin de son périple nébuleux. L’observation se présente donc sous les meilleurs auspices ? Non, pas vraiment, car il existe un problème de taille !

250 000 contre 1 !

Ce problème, c’est la différence de luminosité entre les deux objets. Saturne, dans la catégorie poids-lourd, vient de passer à l’opposition et accuse une magnitude de –0,4, alors que M 1, un poids-plume, ne pèse qu’un petit 8,4 sur la balance des magnitudes. Les paris sont donc de 1 pour 250 000 en faveur de Saturne pour la magnitude surfacique (c’est-à-dire la magnitude par unité de surface) ! Mais l’observation vaut quand même la peine d’être tentée, surtout si l’on bénéficie d’un matériel adéquat.

Le matériel idéal

Saturne risque donc de nous éblouir et de masquer ainsi totalement la Nébuleuse du Crabe. en conséquence, il est fortement recommandé d’avoir l’instrumentation la meilleure. Une lunette astronomique, de par sa conception, diffuse généralement moins la lumière qu’un télescope.

Hélas à diamètre égal, les lunettes sont plus chères que les télescopes et c’est pourquoi dans le monde astronomique amateur, les télescopes sont bien plus répandus que les lunettes. Notons au passage que la Nébuleuse du Crabe est suffisamment brillante pour être visible dans un instrument de 50 mm de diamètre.

Si vous avez la malchance (mais c’est déjà bien mieux que rien !) d’avoir un télescope, pensez à nettoyer toutes les optiques, car une surface sale pourrait diffuser la lumière et faire disparaître la pâle nébuleuse.

Nettoyer ses optiques

Prudence cependant, car les surfaces optiques sont très fragiles. Il vaut donc mieux savoir ce que l’on fait (voir à ce propos les différentes techniques) ! Un conseil : plutôt que de plonger votre miroir dans l’eau distillée, préférez le collodion. C’est un produit très bon marché que l’on trouve en pharmacie (il entre dans l’élaboration de vernis destinés à brûler les verrues). On le répand simplement sur le miroir, comme de la pâte à crêpe dans une poêle (les Bretons me pardonneront).

En séchant (de une à quelques heures), il forme une sorte de film plastique qui tend à se décoller tout seul et qui emprisonne les poussières. Il ne vous reste plus qu’à finir de décoller délicatement la pellicule transparente et c’est tout !

Pour les oculaires, un chiffon en tissu micro-tissé (disponible chez tous les opticiens) saura très bien dégraisser et dépoussiérer les lentilles les plus sales. Muni d’optiques irréprochables, vous pouvez vous lancer dans l’observation de l’extrême, surtout si vous avez un filtre interférentiel !

Les filtres interférentiels

Les nébuleuses émettent de la lumière à des longueurs d’onde bien spécifiques. Parmi celles-ci, on dénombre principalement les longueurs d’onde de l’OIII (prononcer « Oxygène trois ») et du H-Alpha. Le filtre interférentiel est un disque de verre recouvert d’une très fine couche d’un matériau transparent qui, par un savant jeu d’interférences constructives et destructives, ne laisse passer que ces deux longueurs d’onde, bloquant de ce fait les lumières parasites émises par les éclairages urbains ou n’importe quelle autre source lumineuse.

Ainsi, la quasi-totalité de la lumière de la nébuleuse passe à travers le filtre, tandis que le fond du ciel s’assombrit fortement. Le contraste résultant peut être très spectaculaire et permet de distinguer des nébuleuses là où l’on ne voyait rien jusque là.

Il existe quelques modèles de filtres interférentiels plus ou moins efficaces dans l’observation des nébuleuses. Pour M 1, le filtre UHC (Lumicon) ou NB (Meade) sont les plus adéquats, suivis du Deep-Sky (Lumicon).

Le transit de Saturne devant M 1 en chiffres

De tels filtres permettront d’atténuer fortement l’éclat de Saturne (qui émet dans toutes les longueurs d’onde), tout en renforçant le contraste de la Nébuleuse du Crabe. C’est l’idéal. Mais il n’est pas sûr que cela suffira.

Vous pouvez en tout cas d’ores et déjà observer ces deux objets. Le 1er janvier 2003 à minuit, ils seront séparés de moins de 20 minutes d’arc. En les plaçant dans le champ de l’oculaire, vous verrez bien si la pâle nébuleuse demeure visible et saurez donc s’il faut poursuivre les observations jusqu’au 4 janvier. Chaque nuit, Saturne avancera de 4,5 minutes d’arc vers l’ouest, soit 10 fois le diamètre apparent de ses anneaux. La nébuleuse mesurant 4 minutes d’arc par 6, il faudra un peu plus de 24 heures pour que Saturne transite devant M 1.

Témoignage

Les transits de planètes devant un objet de Messier sont très rares. Rick Baldridge, membre de l’association IOTA, a assisté en 1982 au passage de la Lune âgée de 4 jours entre les nébuleuses Trifide (M 20) et de la Lagune (M 8).

Malgré l‘énorme différence de luminosité, il est parvenu à voir les nébuleuses à travers une lunette astronomique de 130 mm de diamètre et de 760 mm de focale équipée d’un filtre nébulaire tel ceux décrits plus haut. La Lune avait pourtant une magnitude de –11 ! Baldridge estime donc que l’observation du transit de Saturne devant M 1 sera visible.

Mais d’autres éminents observateurs pensent le contraire. Il est difficile de se faire une idée, car de tels transits sont si rares que les témoignages manquent.

Alors, quoi qu’en disent les uns et les autres, essayez par vous-même, et peut-être que cela restera un des moments les plus magiques de votre vie d’astronome amateur !

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

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