Nouvelles planètes extrasolaires : et si on redescendait un peu sur Terre ?

article de Didier Jamet
14 JUIN 2002

Le système de 55 Cancri vu depuis les parages de sa nouvelle planète, placée sur une orbite Jupiterienne.
Le système de 55 Cancri vu depuis les parages de sa nouvelle planète, placée sur une orbite Jupiterienne.

Lynette Cook

Jeudi 13 juin 2002, une équipe internationale de chercheurs menée par l’américain Geoffrey Marcy a annoncé la découverte de 13 nouvelles planètes extrasolaires. L’une d’elles, tournant autour de l’étoile 55 cancri, présente la particularité de se trouver à la même distance de son étoile que la géante Jupiter de notre Soleil, ce qui constitue une vraie première. S’appuyant sur cette similitude, Geoffrey Marcy évoque un proche parent du Système Solaire, imaginant même des planètes rocheuses susceptibles d'abriter la vie. Au-delà de cette nouvelle venue, ce système solaire a-t-il une quelconque chance de tenir les promesses de ses découvreurs ? Rien n’est moins sûr.

Des planètes extrasolaires, depuis que les suisses Mayor et Queloz ont découvert la première en 1995, les chercheurs en trouvent en moyenne une par mois, qu’ils annoncent par lots. Dans le lot d’hier, l’exoplanète tournant autour de 55 Cancri a en effet un statut particulier : accomplissant une orbite autour de son étoile en 13 ans, elle est très proche en cela de Jupiter, qui tourne autour du Soleil en un peu moins de 12 ans. Jusqu’à présent, on ne découvrait que des « Jupiters chauds », très près de leur Soleil, et l’annonce d’hier a le mérite de prouver que des « Jupiters normaux » existent bien autour d’autres étoiles.

À partir de ce point de départ encourageant, les chercheurs se sont risqués à échafauder une hypothèse tout à fait extraordinaire : nous serions en présence d’un frère Jumeau du Système Solaire. Cependant, pour enthousiasmante qu’elle soit, cette hypothèse n’en reste pas moins extrêmement hasardeuse au regard des données publiées

Jeu des 7 familles planétaire

En fait, Geoffrey Marcy joue au jeu des 7 familles. Dans la famille « Système Solaire autour de 55 cancri », il a fait une bonne pioche : le père, l’équivalent de notre Jupiter. Ça, c’est la réalité.

Ensuite, il y a ses désirs : puisqu’il a trouvé le Père, il pense que le reste de la famille se trouve également là. Ce raisonnement est légitime, cela s’appelle procéder par analogie. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse, qu’aucune donnée ne pourra venir confirmer avant des années, car les méthodes pour trouver « le fils et la fille », c’est-à-dire des petites planètes semblables à la Terre, font pour l’instant défaut.

À ce stade, on peut tout aussi bien faire l’hypothèse que la nouvelle venue n’a jamais été accompagnée de petites planètes rocheuses dans sa ronde autour de son étoile. Rien ne permet de départager les deux scénarios.

A la limite du hors-jeu

Là où la présentation d’hier atteint la limite du hors-jeu, c’est lorsque Marcy présente des calculs (dont il a la prudence de laisser la paternité à un autre chercheur, Grégory Laughlin) censés prouver qu’une planète semblable à la Terre, située à la même distance de son Soleil, pourrait se maintenir sur une orbite stable autour de 55 Cancri.

L’intention est claire : Geoffrey Marcy, Christophe Colomb du XXIe siècle, dessine à grands traits les contours d’un « nouveau Monde », susceptible d’héberger la vie telle que nous la connaissons sur Terre.

Ce faisant, il laisse de côté une donnée de taille qui a le désavantage de mal cadrer avec ce tableau idyllique : l’exoplanète annoncée hier a déjà de la famille autour de 55 cancri : deux de ces fameux « Jupiters chauds », collés à leur étoile autour de laquelle l’un d’eux tourne en 15 jours, et d’ailleurs découvert par le même Marcy en 1996. On peut déjà remarquer que ce simple fait rend ce système solaire très différent du nôtre. Mais ce n’est pas tout.

Il y a très peu de chances pour que ces planètes géantes se soient formées là où elle se trouvent aujourd’hui. Le scénario le plus couramment admis envisage une formation plus lointaine, là ou l’embryon de planète géante a pu accumuler suffisamment de matériau sans subir la concurrence gravitationnelle de son Soleil, avant d’entamer une lente migration vers l’étoile centrale. Des chercheurs ont même apporté la preuve que certaines étoiles avaient déjà englouti au moins une de leur planète au bout de ce voyage.

Les calculs présentés par Marcy ne sont pas faux. Ils rendent compte d’un état d’équilibre du système tel qu’on l’observe aujourd’hui. Mais Marcy néglige de replacer ce résultat dans la perspective historique de la formation de ce système solaire : Si le système de 55 Cancri a un jour comporté des planètes rocheuses situées sur une orbite « habitable », il y a de fortes chances pour qu'elles aient été balayées, voire dispersées par les géantes baladeuses qui se trouvent aujourd’hui dans la proche banlieue de leur Soleil.

Carl Sagan, le chercheur et écrivain américain auquel des générations de lecteurs doivent leur passion pour l’astronomie, avait pour coutume de dire que, pour asseoir une découverte extraordinaire, il faut des preuves extraordinaires. Entre comparaisons hâtives et spéculations échevelées, on cherchera en vain cette exigence dans le show médiatique d’hier.

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

"La nuit étoilée à Saint-Remy", de Van Gogh.<br>Pour voir l'Univers tel qu'il est, il faut soit la rigueur du scientifique, soit la sensibilité de l'artiste.Tout le reste n'est qu'illusion...
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