article de Didier Jamet
5 AVRIL 2002
Pour être tout à fait honnête, il est peu probable que l’évènement affecte directement votre progéniture : le 16 mars 2880, soit dans plus de 35 générations, l’astéroïde 1950 DA, mesurant près d’un kilomètre, a de bonnes chances de venir percuter fatalement la Terre, déclenchant le plus effroyable hiver nucléaire jamais envisagé. C’est la première fois qu’une telle prévision s’appuie sur des données aussi solides, faisant intervenir quantités de paramètres. Avec le peu que l’on sait aujourd’hui des astéroïdes, nos descendants n’auront peut-être pas trop de huit siècles pour s’organiser.
Pour Jon Giorgini, chercheur au Jet Propulsion Laboratory et auteur principal de l’étude publiée dans l’édition du 5 avril du journal Science, " c’est quelque chose dont il faut se préoccuper dès maintenant. Nous montrons dans cette étude que la traque de ce genre d’objet par des moyens optiques, puis le suivi par radio télescope, peut nous offrir une avance considérable sur l’événement. "
La plupart des précédentes prévisions catastrophistes, rapidement démenties par la suite, se fondaient sur quelques nuits d’observation tout au mieux. Difficile avec si peu d’éléments de calculer une trajectoire fiable à moyen terme.
Pour 1950 DA, qui comme son nom l’indique a été découvert en 1950, on dispose donc de 51 ans de trajectographie, en plus d’observations récentes par de puissants radiotélescopes. Si on prolonge les courbes, et prenant en compte l’influence gravitationnelle de 7000 autres astéroïdes et étoiles proches (ce qui n’avait jamais été fait auparavant, car la puissance de calcul demandée est énorme), on a de bonnes " chances " pour le 16 mars 2880.
Mais il peut encore nous rater.
" Tout dépend de sa composition exacte, de sa forme, de son aspect de surface, et même de la façon dont il tourne " poursuit Giorgini. La façon dont il réfléchit le rayonnement solaire va s’avérer cruciale. Si il tourne très peu sur lui même, la réflexion du rayonnement solaire sera unidirectionnelle, et cet infime rayonnement jouera le rôle d’une fusée d’appoint qui peut faire toute la différence entre une grosse frayeur et une catastrophe planétaire.
Que pourront faire nos descendants si la menace s’avère réelle ? Même avec la technologie fruste dont nous disposons aujourd’hui, des solutions seraient envisageables, bien qu’elles semblent parfois tout droit tirées du cerveau de Wil le Coyote, l’infortuné chasseur de Beep-Beep.
Giorgini suggère par exemple de saupoudrer la surface de l’astéroïde de craie blanche ou au contraire de poussière de charbon, afin qu’il réfléchisse différemment la lumière selon la façon dont on veut infléchir sa trajectoire.
Autre solution abracadabrantesque, un vaisseau propulsé par voile solaire s’approcherait du tueur, et à la façon du jeu d’enfant de " la feuille qui enveloppe la pierre ", larguerait sa voile sur l’astéroïde, là encore dans l’espoir de modifier l’impact du rayonnement solaire sur sa trajectoire.
Bref, si nos arrières-arrières-arrières-petits-enfants veulent passer le bug de l’an 3000, ils ont intérêt à se creuser les méninges pour mettre au point autre chose que ce genre de bricolage !
