Mémoire vive sur astre mort

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Ron Koczor
traduction de Didier Jamet
21 OCTOBRE 2002

L’astronaute Charles Duke, de la mission Apollo 16, collecte des échantillons de roches près du cratère Plum sur la Lune
L’astronaute Charles Duke, de la mission Apollo 16, collecte des échantillons de roches près du cratère Plum sur la Lune

Equipage Apollo 16 , NASA

Certains exobiologistes pensent que des vestiges inestimables du lointain passé de notre planète pourraient se trouver préservés sur la Lune. Voici leurs arguments.

Première partie

Les gens s’inquiètent beaucoup au sujet des astéroïdes. Bien que les chances que la Terre entre en collision avec un gros spécimen soient minces, les conséquences d’un tel événement seraient terrifiantes : raz-de marée, changements climatiques, disparitions d’espèces en masse. Fort heureusement, cela n’arrive pas tous les jours.

Pourtant, il y a quatre milliards d’années, ça arrivait tous les jours. Notre planète était jeune, et le système solaire intérieur encombré de « planétésimaux », corps de la taille d’un astéroïde moyen et qui constituaient les reliquats des matériaux à partir desquels s’est construit le système solaire.

Tous les jours, des planétésimaux petits ou grands s’abattaient sur la Terre. C’était l’époque dite du « bombardement intense », qui s’étendit sur une durée allant de -4,5 à -3,8 milliards d’années, une période qui n’a pas dû être très agréable pour la vie sur Terre.

Cette période du bombardement précoce fut un des sujets abordés ce mois-ci à l’occasion du congrès « Perspectives en exobiologie », organisé en crête, à Chania, par l’Institut d’Etudes Avancées de l’OTAN, en coopération avec le Centre Spatial Marshall. Ron Koczor y assistait, et ce texte en est son compte-rendu.

Les participants au congrès ont remarqué quelque chose d’étonnant à propos de la fin de la période de bombardement intense. Dès les plus anciennes couches géologiques connues (vieilles d’environ 3,8 milliards d’années), on relève des traces fossiles témoignant d’une vie sur Terre. L’existence d’une vie microbienne florissante si rapidement après la fin des bombardements cataclysmiques suggère que la vie émergea en fait en plein pendant la période de bombardement.

Comment cela a-t-il pu se produire ? Comètes et astéroïdes ont-ils livré la vie « clés en main » à la Terre ? Ou peut-être la vie a-t-elle rapidement évolué à partir des briques organiques élémentaires amenées par les comètes ? Personne ne sait. Les exobiologistes souhaiteraient pouvoir étudier des roches et des composés chimiques fossiles de cette époque, bien que la pluie, le vent, les tremblements de terre et la tectonique des plaques (processus environnementaux normaux) aient probablement complètement effacés ces derniers.

Tous ?

Les scientifiques présents à la conférence ont envisagé qu’il pourrait en subsister. Pas sur Terre. Sur la Lune.

Quand un objet de taille respectable frappe la Terre, les débris consécutifs à l’impact peuvent être accélérés à une vitesse suffisante pour les arracher à l’attraction terrestre et les satelliser. Il y a quatre milliards d’années, la Terre était probablement cernée de débris éjectés de cette façon.

(La Lune elle-même est un gros morceau de Terre qui fut arraché lorsqu’un planétésimal de la taille de Mars vint frapper notre planète il y à 4,5 milliards d’années).

Durant la période de bombardement intense, la Lune était considérablement plus proche de la Terre qu’elle ne l’est à présent, trois fois plus près pense-t-on. Cela la plaçait dans une position idéale pour collecter les débris en orbite autour de la Terre.

Comme la Lune est dépourvue d’atmosphère et d’activité tectonique, ces débris sont peut-être encore là. Tandis que beaucoup ont certainement été détruits par des impacts ultérieurs d’astéroïdes ou de comètes sur la Lune, certains ont pu demeurer intacts dans le sol lunaire.

Une récente étude menée à l’Université de Washington par les doctorants John Armstrong et Llyd Wells, en collaboration avec Guillermo Gonzalez de l’Université d’état d’Iowa, estime que chaque carré de 100 kilomètres de côté à la surface de la Lune pourrait contenir jusqu’à 20 tonnes de matériaux terrestres.

David McKay, un exobiologiste du Centre Spatial Johnson de la Nasa, fait remarquer que « la Lune était dans une position privilégiée pour ramasser les éjectas terrestres. Si nous regardions aux bons endroits, nous pourrions découvrir une manne de matériaux à étudier. »

On s’interroge naturellement à propos des quelque 400 kilogrammes de roches lunaires déjà ramenés sur Terre grâce aux missions Apollo: un matériau d’origine terrestre a-t-il déjà été identifié parmi eux ?

Selon McKay, la réponse est non. « Je n’ai pas connaissance de notifications de la présence de tels matériaux parmi les échantillons collectés, mais la raison en est peut-être que personne ne les y a vraiment cherchés ! Il s’agit d’un domaine de recherche entièrement nouveau, qui n’avait jamais été envisagé au cours des trente dernières années depuis lesquelles le programme Apollo est achevé. »

Où donc faudra-t-il que les prochains astronautes à marcher sur la Lune cherchent pour trouver ces matériaux terrestres éjectés ? C’est l’objet de la deuxième partie de cet article, "la Lune nous rendra-t-elle la mémoire ?" (lien ci-dessous)

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