article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
20 FEVRIER 2009
Le premier sursaut gamma observé en haute résolution par le télescope spatial gamma Fermi de la NASA est bon pour le livre des records. Il cumule en effet la plus grande énergie, les vitesses les plus rapides, et les émissions initiales de plus haute énergie jamais observées.
« Nous attendions un événement de ce genre » se réjouit Peter Michelson, le principal investigateur de l'instrument LAT, de l'université Stanford. « Les sursauts d'une telle intensité sont encore mal compris, et Fermi nous donne les outils pour les comprendre. »
L'explosion, désignée sous la référence GRB 080916C, s'est produite le 15 septembre 2008 dans la constellation de la Carène. L'animation que vous pouvez voir ici concentre en six secondes huit minutes d'observation de l'instrument LAT. Les points de couleurs correspondent à des rayons gamma de différentes énergies, les bleus étant les plus faibles, les rouges les plus énergétiques et les verts entre les deux.
L'autre instrument de Fermi, GRBM, a lui aussi suivi l'événement simultanément. Ensemble, les deux instruments fournissent une vue complète de l'émission de rayons gamma rapides qui a eu lieu au début du sursaut, à des énergies comprises entre 3000 et plus de 5 milliards de fois celle de la lumière visible.
Les sursauts gamma sont les explosions les plus puissantes qu'on puisse observer dans l'univers. Les astronomes pensent que la plupart se produisent quand d'exotiques étoiles massives ont épuisé leur carburant nucléaire. Alors que le noyau de l'étoile s'effondre sur lui-même pour former un trou noir, des jets de matière, alimenté par des processus qui ne sont pas encore complètement compris, se propagent vers l'extérieur à une vitesse proche de celle de la lumière. Les jets passent au travers de l'étoile en train de s'effondrer et continuent leur chemin dans l'espace, où ils interagissent avec le gaz précédemment rejeté par l'étoile, ce qui génère de brillantes contreparties optiques qui s'atténuent avec le temps.
La première chose que les astronomes font généralement après un sursaut gamma, c'est de se précipiter pour observer la contrepartie optique avant qu'elle ne disparaisse. Le spectre d'une contrepartie optique de sursauts gamma, c'est-à-dire ses couleurs, peut révéler la distance de l'explosion. Il s'agit d'une information cruciale dont doivent disposer les astronomes pour calculer la puissance du sursaut gamma.
Pratiquement 32 heures après l'explosion, un groupe emmené par Jochen Greiner de l'Institut Max Planck pour l'astrophysique de Garching, en Allemagne, a détecté la contrepartie optique de GRB 080916C. Travaillant dans l’urgence, avant que la contrepartie ne se soit dissipée, ils ont mesuré son spectre en utilisant l'instrument GROND installé sur le télescope de 2,2 mètres de l'observatoire européen austral à la Silla, au Chili. Et selon leurs données, l'explosion a eu lieu à une distance de 12,2 milliards d'années lumière.
« Ce sursaut gamma était déjà très intéressant depuis le début » s'enthousiasme Julie Mc Enery, une scientifique du projet Fermi, « mais avec la distance estimée par l'équipe de GROND, on entre de plain pied dans l'extraordinaire. »
Avec cette estimation de distance dans la poche, l'équipe de Fermi a calculé que l'explosion avait une puissance supérieure à celle de 9000 supernovas moyennes, à supposer que l'énergie ait été émise uniformément dans toutes les directions. C'est pour les astronomes une façon habituelle de comparer les événements, même si les sursauts gamma émettent l'essentiel de leur énergie sous la forme d'étroits jets.
Couplée avec les mesures de Fermi, la distance aide également les astronomes à déterminer la vitesse de la matière qui a émis des rayons gamma. À l'intérieur des jets de ce sursaut, le gaz devait se déplacer à une vitesse équivalente à 99,9999% de celle de la lumière. La vitesse et la puissance fantastique de ce sursaut en font le plus extrême jamais observé.