Qui tourne autour de la Lune ?

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
22 FEVRIER 2008

Croissant de Lune au-dessus de la Cité Impériale, Pekin
Croissant de Lune au-dessus de la Cité Impériale, Pekin

Science@Nasa

L’espace environnant notre planète est très activement peuplé, avec un trafic aussi chargé que celui d’un giratoire aux heures de pointe. Pas moins de 500 satellites actifs s’y pressent en ce moment même. Certains servent de relais aux émissions de radio, de télévision, aux communications par téléphone, d’autres collectent des informations sur la météo ou l’état de l’atmosphère, d’autres encore nous aident à trouver notre chemin, et le reste mène des missions scientifiques sur l’espace. Bientôt, ce sera au tour de la Lune de connaître pareille frénésie.

Chine, Japon, Inde, Russie et Etats-Unis, tous ont soit envoyé des satellites pour couver des yeux les ressources et les formations lunaires, soit prévoient de le faire.

Qu’est-ce qui vaut à la Lune une telle attention ?

D’abord, même si ce n’est pas le Paradis, elle a l’immense mérite d’être là, toute proche. On la voit mieux que tout autre astre nocturne. Et même les pays dont l’industrie spatiale est encore balbutiante peuvent caresser le rêve de l’atteindre. Pour eux, ce serait une première étape toute naturelle.

De fait, deux de ces puissances spatiale émergentes y sont déjà, la Chine et le Japon, qui ont chacune une sonde en orbite autour de la Lune.

Kaguya, la sonde spatiale japonaise, connue précédemment sous le nom de SELENE, a atteint l’orbite lunaire en octobre 2007. Sa mission : établir des carte détaillées de la surface lunaire, chercher d’éventuelles traces d’eau (une ressource clé dans la perspective d’une présence humaine prolongée) sous forme de glace au fond de ses cratères les plus profonds, et étudier le champ gravitationnel lunaire.

Barbara Cohen, chercheuse spécialiste de la Lune au centre spatial Marshall de la Nasa et qui se qualifie elle-même de « lunatique », considère Kaguya comme la Rolls des missions lunaires actuelles. Elle est énorme, formée en réalité de trois satellites, et est dotée d’excellents instruments. Elle va travailler dans l’étude de particules et de champs qu’aucune autre mission existante ou prévue ne va étudier. De plus elle est en mesure de pointer simultanément tous ses instruments sur un même point de la surface lunaire.

Le satellite principal de la mission Kaguya emporte 13 instruments scientifiques, dont une caméra de télévision à haute définition, qui renvoie d’époustouflantes images de paysages lunaires s’étendant à perte de vue ou de la Terre se levant au-dessus de l’horizon lunaire.

À peine un mois après que le Japon ait atteint la Lune, il fut suivi par la Chine : Chang’e-1 se plaça en orbite lunaire le 5 novembre 2007. Au cours de sa mission de 1 an, Chang’e-1 va entièrement cartographier la Lune en trois dimensions. Ce satellite renverra les premières images détaillées de certaines régions situées à proximité des pôles, là où la glace d’eau a les plus grandes chances de se trouver.

Chang’e-1 est le premier exemplaire d’une série de 3 sondes chinoises : Chang’e-2 devrait se poser sur le sol lunaire et y libérer un robot automobile, tandis que Chang’e-3 rapportera sur Terre des échantillons de sol lunaire. Les Chinois espèrent envoyer un jour ou l’autre des hommes sur la Lune pour y construire une base, mais pour le moment ils se concentrent sur l’acquisition de connaissances et des gains progressifs d’expérience.

Au cours de l’année 2008, l’Inde a prévu de lancer sa propre sonde vers la Lune, « Chandrayaan-1 ». en sanskrit, Chandrayaan signifie « vaisseau lunaire ». Un instrument financé par la Nasa, le Moon Mineralogy Mapper (qu’on pourrait traduire par « cartographe minéralogique lunaire »), sera du voyage et étudiera le sol lunaire afin d’en donner une carte minéralogique très détaillée grâce à son spectromètre infrarouge.

En 2010 ou 2011, il cédera la vedette à Chandrayaan-2, un robot automobile. Celui-ci procédera à des prélèvements d’échantillons de surface lunaire, les analysera et renverra les données vers la Terre via le relais de Chandrayaan-1, toujours en orbite.

La NASA n’est pas en reste dans cette « ruée vers la Lune ». Dans le courant de l’année, l’agence spatiale américaine a prévu de lancer LRO (pour « Lunar Reconnaissance Orbiter », qu’on pourrait traduire par satellite de reconnaissance lunaire), une sonde spatiale bardée d’instruments dédiés à la cartographie de la Lune et à la localisation de ressources essentielles allant de l’eau aux matériaux de construction.

« Avec une résolution de 50 cm par pixel LRO fournira les meilleures images de toute l’armada de vaisseaux actuellement en chantier ou déjà arrivés à la Lune » affirme Cohen. « Cela signifie que nous serons capables de distinguer parfaitement des cailloux de moins de 60 cm de long. Cela nous permettra de repérer les sites d’atterrissage les moins risqués dans la perspective d’un retour de l’homme sur la Lune. LRO sera également équipé d’un instrument qui emportera une sorte d’analogue plastique des tissus humains, afin d’évaluer la menace pour la peau des astronautes représentée par les radiations cosmiques. »

En 2011, la mission Gravity Recovery and Interior Laboratory (dont l’acronyme, « Grail » signifie « Graal »]] ira ausculter la Lune en profondeur pour révéler son anatomie et son histoire. Cette mission, qui fait partie du programme Discovery de la Nasa, comportera deux sondes jumelles qui voleront de concert autour de la Lune pendant plusieurs mois afin de mesurer son champ de gravité en détail et répondre aux questions concernant la façon dont la Terre et les autres planètes du système solaire se sont formées.

Tant LRO que GRAIL fourniront des informations utiles à la préparation d’un retour américain sur la Lune au cours de la prochaine décennie.

Certes, les Américains sont déjà allés sur la Lune. Mais ils n’y sont pas restés assez longtemps pour faire autre chose que littéralement gratouiller un peu la surface. La tentation d’y retourner est grande. Le docteur Wesley Huntress, directeur émérite du laboratoire de géophysique de l’institution Carnegie, l’exprime mieux que personne :

« … beaucoup de nations se dotant d’un programme spatial émergeant ont des vues sur la Lune. Il y aura une renaissance de l’exploration scientifique lunaire dans les prochaines décennies que les Etats-Unis ne voudront pas manquer. L’attraction qu’exerce la Lune sur les programmes spatiaux émergeants à travers le monde peut être un catalyseur pour une nouvelle ère de l’exploration spatiale, celle de la coopération internationale … »

Aucun retour ne serait vraiment complet sans un authentique pionnier de l’exploration lunaire, la Russie. Après avoir perdu la course à la Lune dans les années 1970, l’URSS cessa pour ainsi dire tout programme d’exploration lunaire. Les scientifiques russes ne cessèrent pas pour autant de regarder avec les yeux de Chimène cette orbe argentée brillant dans le ciel nocturne, bien conscients de son intérêt scientifique. A présent, le programme russe, tout en gardant un œil sur la perspective d’implanter une base permanente dans un futur lointain, pourrait lancer son projet Luna-Glob dans les toutes prochaines années. Les plans de ce programme prévoient un satellite qui libèrera 13 sondes, essentiellement des pénétrateurs et un atterrisseur, pour répondre aux questions sur l’origine de la Lune et la recherche de glace d’eau.

« Il y a pas mal de doublons parmi toutes ces missions, mais en science c’est courant » précise Barbara Cohen. « Nous obtiendrons une plus grande couverture et une meilleure résolution en étant capables d’agréger les données d’instruments similaires. Mais c’est aussi une question de principe. La NASA ne veut pas avoir à dépendre d’autres pays pour recueillir les données nécessaires à son retour sur la Lune. Que se passerait-il par exemple si un autre pays renonçait finalement à ses engagements, ou si le lancement ou le déploiement de son satellite était un échec ? Nous préférons faire voler nos propres instruments sur nos propres missions afin d’être certains d’obtenir les données essentielles, puis collaborer avec les missions des autres nations pour partager, raffiner et améliorer nos données. »

Combien de temps faudra-t-il avant que la Lune ne soit enserrée dans un maillage satellitaire aussi serré que celui qui environne la Terre ? Au rythme actuel, pas très longtemps. Avant la fin 2011, pas moins de 9 satellites pourraient déjà bourdonner autour de la Lune. C’est un bon début.

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