article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
3 NOVEMBRE 2005
Vous êtes-vous promené à la nuit tombée ces derniers jours ? Si oui, vous avez sans aucun doute observé de brillantes étoiles filantes, et c’est plutôt inhabituel pour la saison. Quelle est la raison de cette activité météoritique inattendue ? Il se pourrait bien que les Taurides aient décidé de sortir le grand jeu…
" J’ai d’abord cru que quelqu’un braquait une lampe torche dans ma direction " raconte Josh Bowers, un astronome amateur de Pennsylvanie. " Et puis j’ai compris de quoi il retournait : un brillant bolide au-dessus de l’horizon sud. Cette nuit d’halloween (31 octobre 2005), j’observais depuis 21 heures, pourtant cette étoile filante était si brillante qu’elle m’a totalement fait perdre mon accoutumance à l’obscurité. "
Le cas de Bowers est loin d’être isolé. Beaucoup de gens ont vu la même chose cette nuit-là, et des boules de feu plus spectaculaires encore. Avant la fin de la nuit, les rapports d’observation d’étoiles filantes " plus brillantes que la pleine Lune " ont afflué de toutes les régions d’Amérique du nord et d’Europe.
Du coup, on les a baptisées les " étoiles filantes d’Halloween ". Mais en réalité, cela fait plus longtemps que le phénomène peut être observé.
Le 30 octobre par exemple, Bill Plaskon de Jonesport, dans l’état du Maine, était en train " d’observer Mars au travers d’un télescope de 254 mm de diamètre lorsqu’une brillante boule de feu embrasa le ciel et laissa derrière elle une traînée en forme de tire-bouchon qui resta visible pendant près d’une minute ".
Le 28 octobre, Lance Taylor, d’Edmonton dans l’Alberta, s’était levé de très bonne heure pour une partie de pèche avec des amis. Vers 6 heures du matin, ils remarquèrent " une brillante boule de feu. Et une autre encore, moins de 20 minutes après ".
La nuit dernière encore, le 2 novembre 2005, " le ciel s’illumina très brillamment " selon Koen Miskotte, des Pays-Bas. " je ne pu l’observer qu’en vision périphérique, mais cette boule de feu était aussi brillante qu’un croissant de Lune ".
Et ainsi de suite…
Que se passe-t-il ? " Les gens observent probablement de beaux spécimens de Taurides " explique le scientifique David Asher, de l’observatoire Armagh en Irlande du Nord.
Chaque année, entre fin octobre et mi-novembre, la Terre traverse un banc de poussières spatiales laissé par la comète Encke. Les minuscules grains de poussière frappent notre atmosphère à la vitesse fantastique de 105 000 km/h, soit près de 30 kilomètres à la seconde. À une telle vitesse, même une poussière poids-plume laisse derrière elle une brillante traînée quand elle se désintègre dans l’atmosphère, ce que nous appelons couramment une " étoile filante ". Ces étoiles filantes semblant jaillir de la constellation du Taureau, on les a appelées les " Taurides ".
En général, les Taurides ne sont pas réputées pour leur intensité ni leur éclat, puisqu’on estime généralement qu’il n’y en a pas plus de cinq par heures en moyenne, et aucune de très brillante. Mais de temps en temps, il arrive que les Taurides sortent le grand jeu. De véritables boules de feu illuminent le ciel, au point d’éblouir les observateurs plongés dans la pénombre, voire d’interrompre une partie de pèche…
David Asher a de bonnes raisons de penser que 2005 est une année " Tauride ".
Selon lui, les bolides actuels proviennent d’un essaim de poussières plus grandes qu’a l’accoutumée. " Elles ont une taille comprise entre celle d’un petit caillou et d’un gros galet ". Cela peut sembler incroyable qu’un caillou soit à l’origine de phénomènes aussi spectaculaires et brillants comme la pleine Lune, mais il faut bien garder présent à l’esprit la vitesse énorme à laquelle ces cailloux plongent dans l’atmosphère. Ce " champ de cailloux " se déplace au milieu d’un essaim plus vaste de petites poussières qui provoquent les Taurides habituelles, rares et discrètes. Parfois la Terre traverse ce champ de cailloux, même si elle le rate la plupart du temps.
" Au début des années 90, quand Victor Clube dirigeait ma thèse de doctorat dont le sujet était justement les Taurides, nous avons mis au point ce modèle du " champ de cailloux baladeur " au sein de l’essaim des Taurides pour rendre compte des fluctuations de leur intensité au fil des ans " confirme Asher. En 1993, ils ont même publié une liste de ces " années chaudes ". Et 2005 en faisait partie.
Tout laisse penser que leur prédiction est bien en train de se réaliser.
Le bon moment pour en profiter ? Tout de suite maintenant, dans la mesure où selon l’International Meteor Organization, le maximum des Taurides est atteint entre le 5 et le 12 novembre de chaque année. " la Terre met une semaine ou deux pour traverser le filon " prévient Asher. " Cette relative longue durée de la pluie des Taurides fait qu’il n’y a pas de pic particulièr, comme pour les Léonides par exemple ". Pour filer la métaphore météorologique, cette pluie d’étoiles filantes est plus un crachin breton qu’un violent orage cévenol.
Concrètement, vous pouvez observer des Taurides à tout moment, pourvu que la constellation du Taureau soit levée. À cette époque de l’année, c’est le cas peu de temps après le coucher du Soleil. Les chances d’observer un bolide de fort beau gabarit augmentent à mesure que l’œil du Taureau s’élève dans le ciel. Vers minuit, il est au plus haut, c’est donc le meilleur moment, avec un peu de chance. Alors tentez votre chance, car la pluie d’étoiles filantes des Taurides est comme le crachin breton : elle ne mouille pas, elle vivifie…
