Comment survivre à la loi de Murphy sur Mars ?

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Trudy E. Bell
traduction de Didier Jamet
30 OCTOBRE 2005

Mars, la planète rouge. Comment donner à une mission habitée toutes les chances d\'en revenir ?
Mars, la planète rouge. Comment donner à une mission habitée toutes les chances d'en revenir ?

Nasa

Alors que la planète rouge se trouve actuellement très proche de nous (essayez absolument de l’observer !), un récent rapport interne de la Nasa a mis en lumière les risques liés à l’exploration de la planète Mars. Il a aussi envisagé ce qui pouvait être entrepris pour les réduire considérablement. En voici les conclusions.

Nous y voilà, c’est le moment de vérité.

L’écoutille du vaisseau vient de se refermer derrière vous, vous emprisonnant ainsi que vos cinq camarades dans la petite cabine qui constituera votre lieu de vie pour les 6 prochains mois, durant lesquels vous vous dirigerez vers Mars à travers le vide interplanétaire. Et au terme de ces 180 jours, la gloire vous attend, puisque vous avez été désigné pour être le tout premier être humain à fouler le sol martien.

Tandis que le compte à rebours s’égrène dans vos écouteurs et que vous entendez le rugissement des moteurs fusées au sommet desquels vous êtes juché, vous vous posez une question désarmante de naïveté : « ... au fait, est-ce que nous sommes vraiment prêts ? »...

Selon la loi de Murphy, tout ce qui est susceptible de mal se passer se passera nécessairement mal. Et on peut penser que cette implacable loi de l’ingénierie s’applique aussi bien sur Mars que sur Terre. Alors serons nous prêts lorsque les choses iront mal sur Mars ? Qu’avons nous encore besoin d’apprendre sur Mars avant d’y envoyer des hommes ?

C’est la question que s’est posé le groupe d’analyse du programme d’exploration martienne de la Nasa, le MEPAG en version originale. Le MEPAG a rendu ses conclusions le 2 juin 2005, qui portent le titre ronflant d’ « analyse des mesures sur site à mener à titre précurseur afin de réduire les risques de la première mission habitée sur Mars ».

Le coeur de ce rapport du MEPAG est une liste prenant toute la page 11 qui recense les 20 risques « susceptibles de mener à la perte de la mission ».

Les principaux risques identifiés sont :

- l’agressivité de la poussière martienne : elle est corrosive, collante, et peut compromettre l’électronique de bord par sa charge statique.

- De possibles organismes martiens autoréplicants, potentiellement dangereux pour l’équipage ou pour l’écosystème terrestre.

- La dynamique de l’atmosphère martienne, dont ses tempêtes de poussière, qui peuvent compromettre aussi bien un atterrissage qu’un redécollage.

- L’absence de ressources en eau, ce qui interdirait un séjour de plus d’un mois sur place.

Le groupe de réflexion s’est posé la question suivante : « qu’aurions nous besoin d’apprendre sur chacun de ces risques par le biais de sondes robotisées afin de les écarter l’un après l’autre ? Et de combien ces informations réduiraient-elles vraiment les risques ? »

Ce qui ressort nettement du rapport, c’est que l’ennemi numéro 1 de l’explorateur martien, c’est la poussière. « Nous avons besoin de tout en comprendre afin de concevoir des systèmes d’alimentation électrique, des scaphandres et des filtres adaptés. Il faut à tout prix en atténuer les nuisances, l’empêcher de pénétrer dans les vaisseaux, et trouver le moyen de faire avec » résume Jim Garvin, un des responsables du programme au centre spatial Goddard.

Aussi selon le MEPAG, une mission de collecte et de retour sur Terre d’échantillons de poussière martienne est tout simplement indispensable.

« La plupart des chercheurs ne pensent pas qu’il soit possible de prouver l’innocuité de l’environnement martien sans en ramener un échantillon sur Terre » souligne David Beaty, responsable du programme martien au JPL. De plus, le fait de rapporter un échantillon de sol martien sur Terre permettrait sans doute de résoudre la controverse sur les propriétés véritables de la poussière martienne, sa toxicité éventuelle et ses propriétés mécaniques. Même si la poussière lunaire constituait déjà une difficulté de premier ordre pour les astronautes d’Apollo, il est possible qu’elle soit parfaitement bénigne à côté de la poussière martienne. Il faut que les ingénieurs et les scientifiques de la Nasa s’y coltinent pour être certains de la maîtriser. La valeur d’un seul kilo de poussière lunaire ne devrait pas être sous estimée dans une perspective à la fois scientifique et technique.

Le rapport du MEPAG donne aussi une importance prépondérante à des mesures qui ne pourront être réalisées que par des sondes se promenant dans l’atmosphère martienne au bout de parachutes, voire de ballons. « Nous pourrions alors établir un profil de la vitesse des vents martiens selon l’altitude, ce qui est vital non seulement pour la précision d’un atterrissage, mais aussi lorsqu’il s’agit de rejoindre l’orbite martienne avec précision » confirme Beaty.

Et puis il y a la question, cruciale elle aussi, de l’eau. MEPAG accorde la priorité absolue aux missions chargées d’évaluer les ressources en eau de la planète rouge, que ce soit sous forme de glace ou sous forme de dépôts de minéraux hydratés. Deux versions de ce que pourrait être la première mission habitée sur Mars sont actuellement débattues : un aller-retour avec un bref séjour sur place d’une trentaine de jours, et une mission beaucoup plus longue avec un an et demi de vie sur place. Tandis qu’un bref séjour pourrait s’effectuer sur les réserves d’eau embarquées, à condition de recycler les eaux usées, un long séjour rendrait obligatoires des approvisionnements en eau et en oxygène à partir des ressources trouvées sur place.

Tout cela ne constitue que quelques unes des recommandations du MEPAG. Le rapport entier peut-être lu ici

En lui même, le groupe MEPAG constitue une démarche entièrement nouvelle à la NASA.

« La Nasa est en train de réinventer sa façon d’acquérir de l’expertise » explique Garvin. Il y a encore quelques années de cela, la Nasa se reposait soit sur des recommandations de principe de l’académie nationale des sciences réunie en commission, soit sur les conclusions de groupes de travail réunis pour l’occasion. Mais dans les deux cas, les instances sollicitées se déchargeaient totalement du problème une fois leurs conclusions rendues, aussi il n’y avait aucun mécanisme d’évaluation de la façon dont les recommandations étaient concrètement traduites et appliquées par la Nasa.

Par contraste, MEPAG est une structure permanente constituée de scientifiques et d’ingénieurs. Son objectif exclusif est de déterminer comment seront réalisés dans le détail les grands projets d’exploration.

« Cela a si bien fonctionné que nous cherchons à reproduire le modèle du MEPAG afin de former des groupes similaires dédiés à l’analyse des projets de missions lunaires, vénusiennes, et à destination des planètes externes du système solaire. » s’enthousiasme Garvin.

Alors, « sommes nous prêts ? » Il suffit de demander au MEPAG…

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