Mars, des souris et des hommes.

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Karen Miller
traduction de Didier Jamet
21 JANVIER 2004

Une souris candidate astronaute pose le long d’un modèle réduit de panneau solaire. Cliquez sur le lien du crédit pour avoir accès à une image à plus haute définition.
Une souris candidate astronaute pose le long d’un modèle réduit de panneau solaire. Cliquez sur le lien du crédit pour avoir accès à une image à plus haute définition.

MarsGravity.org

D’ici deux ans, un groupe de souris femelles constituera une équipe d’astronautes en orbite autour de la Terre dans un vaisseau en rotation. Leur mission : nous aider à mieux appréhender ce qu’il nous en coûtera de vivre sur Mars.

Les êtres humains ont un besoin physique de la gravité. Sans elle, comme les expériences des astronautes l’ont abondamment démontré, notre corps se modifie étrangement. Nous perdons de la masse musculaire, et nos os perdent en densité. Même notre sens de l’équilibre se détériore.

Grâce à la grande expérience accumulée dans la navette spatiale et différentes stations spatiales, nous savons dans une certaine mesure comment les mammifères, et en particulier les hommes, réagissent à la microgravité. Et naturellement, nous savons assez bien comment nous réagissons à 1g, puisque c’est la pesanteur que nous subissons sur Terre. Mais entre les deux, que se passe-t-il ?

Par exemple, qu’adviendra-t-il des premiers hommes qui vivront sur Mars ou la gravité n’est que de 0,38 g ? Est-ce suffisant pour leur permettre de rester des pionniers performants ? Et, plus important encore, comment se réadapteront-ils à la gravité terrestre une fois de retour à la maison ?

Une équipe composée d’étudiants du Massachussetts Institute of Technology, le fameux MIT, et de l’Université du Queensland, en Australie, a prévu d’étudier la question. Et pour ce faire, ils vont envoyer des souris sur orbite.

"Nous travaillons actuellement à la mise au point d’un satellite qui sera mis en rotation de façon à recréer une gravité artificielle" nous explique Paul Wooster du MIT, et chef du projet Mars Gravity Biosatellite. Ce satellite tournera 34 fois sur lui-même en une minute, reproduisant ainsi une gravité de 0,38 g égale à celle de Mars.

Les souris seront soumises à cette gravité pendant cinq semaines. Puis elles reviendront sur Terre au bout d’un parachute, de la même façon que le faisaient les vénérables capsules des missions Apollo. Elles atterriront en Australie, près de Woomera.

Selon Wooster, ce projet de biosatellite est la première étude conduite à ce niveau de gravité. Financé en partie sur des fonds de la Nasa, ce projet présente également la particularité d’être conçu et géré par les étudiants.

Les recherches se concentreront sur la perte de tissu osseux, l’atrophie musculaire, et les changements de l’oreille interne, laquelle contrôle le sens de l’équilibre.

Loft à souris en orbite

Tandis qu’elle tourneront autour de la Terre, les souris, chacune occupant une petite cabine individuelle, seront minutieusement observées. Chaque cabine comportera en effet une caméra grâce laquelle les chercheurs pourront contrôler leur activité. Elles disposeront chacune de leur propre pompe à eau, ainsi leur consommation sera-t-elle précisément suivie. Leurs déjections seront également stockées de façon séparée dans un compartiment situé sous la cabine, lequel contiendra un dispositif d’analyse d’urine qui repérera les biomarqueurs caractéristiques de la perte de tissus osseux.

Leur masse corporelle sera également régulièrement contrôlée, afin de surveiller l’évolution de leur poids.

Enfin tout a également été prévu pour fournir des distractions aux souris. "Nous leur fournirons peut-être un morceau de bois à mâchouiller" avance Wooster. Ça les tiendra tranquilles, et ça les dispensera de grignoter le satellite. Il est également possible qu’elles bénéficient d’un petit tunnel où s’abriter. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elles n’auront pas de roue où se défouler. Cette dernière pourrait en effet partiellement contrarier certains effets de la faible gravité. Une souris dans la cage de laquelle on place une roue peut facilement y parcourir l’équivalent de plusieurs kilomètres par jour. "Nous ne voulons pas donner aux souris un moyen d’annuler partiellement les effets auxquels nous les soumettons".

Seules des femelles seront utilisées pour cette expérience. C’est en partie parce que les souris femelles mangent un peu moins que les males, ce qui permet d’économiser sur la charge utile qui doit quitter la Terre. Mais surtout, certaines études suggèrent que les femelles sont en général plus affectées par la faible gravité que les males.

Toutefois ces études n’ont pas été menées en véritable gravité partielle. Elles ont en effet été réalisées en suspendant l’animal par les pattes arrière, de sorte que la souris ne ressentait qu’une partie de son poids. L’équivalent de gravité martienne reproduit à l’intérieur du biosatellite sera beaucoup plus proche de la réalité.

Au travers des trois universités prenant part au projet, plus de 250 étudiants ont été impliqués dans sa réalisation. Le projet est conduit et coordonné par le MIT, qui conçoit également les cabines des animaux et toute la partie support-vie. L’Université de Washington est en charge de l’alimentation électrique, la propulsion, le contrôle d’attitude, le contrôle thermique, et les communications vers le sol. L’Université de Queensland aura en charge la rentrée atmosphérique, la descente et les systèmes d’atterrissage, comprenant les boucliers thermiques et les parachutes.

L’équipe espère procéder au lancement du biosatellite en 2006.

"Je pense qu’une des principales contributions du biosatellite tiendra à ses bénéfices sur le plan éducatif" affirme Wooster. Selon lui, beaucoup de personnes ont été enthousiasmées et ont appris énormément de choses à travers ce projet. "Et de plus, nous allons obtenir des informations que personne n’a jamais eues auparavant."

Comment les corps humains répondront-ils à la gravité martienne ?

Après l’atterrissage sans coup férir de Spirit sur Mars, il semble de plus en plus urgent de savoir répondre à cette question.

Quelques liens sur le sujet

Biosatellite de gravité martienne

Bureau de recherche biologique et physique de la Nasa

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