Mars et les visiteurs de Noël

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Karen Miller
traduction de Didier Jamet
20 DECEMBRE 2003

Beagle 2 débutant sa mission au cœur d’Isidis Planitia
Beagle 2 débutant sa mission au cœur d’Isidis Planitia

Beagle 2

Partie à la recherche de vie sur la planète rouge, la sonde Beagle 2 atterrira à la surface de Mars le 25 décembre 2003. Pendant ce temps, Mars Express se mettra en orbite, prête à relayer les transmissions de celle qui fut sa passagère pendant 6 mois.

C’est l’hiver dans l’hémisphère nord martien, et un vaisseau venu d’une autre planète s’apprête à s’y poser.

Sur Terre, là d’où il vient, on l’appelle Beagle 2, et il a été envoyé par l’ESA, l’agence spatiale européenne, pour détecter d’éventuelles traces de vie. Plus précisément, la mission de Beagle 2 va consister à rechercher des traces chimiques des sous-produits de la vie, qu’elle ait à présent cessé ou qu’elle se poursuive encore actuellement sur Mars.

L’atterrissage est programmé pour le jour de Noël 2003. Beagle 2 va précéder deux robots d’exploration de la NASA, Spirit et Opportunity, qui devraient quand à eux atterrir en janvier 2004.

Beagle 2 tire son nom du navire qui convoya jadis le père de la théorie de l’évolution des espèces, Charles Darwin. Beagle 2 est un laboratoire autonome qui aurait grossièrement la forme d’une montre à gousset de près d’un mètre de diamètre. Bien qu’il emporte de nombreux instruments scientifiques de haute technologie, il ne pèse pas plus de 35 kg. Léger et compact, il a pu être " pris en stop " jusqu’à Mars par la sonde Mars Express lancée en juin dernier.

Tandis que Mars Express étudiera la planète rouge depuis une orbite de quelques centaines de kilomètres, Beagle 2 plongera ses divers capteurs directement dans le sol martien. Le docteur Everett K Gibson, du Centre spatial Johnson, et scientifique interdisciplinaire pour la mission, nous explique de quelle façon :

" Nous avons deux techniques pour obtenir des échantillons : un outil d’abrasion des roches, et une " taupe " fouisseuse . " Les deux instruments sont rassemblés dans le bras-robot de Beagle 2.

L’outil abrasif vient au contact des roches, décape la surface exposée à l’érosion, puis prélève un peu (20 à 100 milligrammes) de roche " fraiche ". La nécessité de mettre la roche à nu avant de prélever un échantillon a été démontrée par la mission du petit robot explorateur Sojourner en 1997. Tous les rochers alors examinés avaient paru très semblables car leur surface avait été soumise aux mêmes processus d’érosion (tempêtes de sable et radiations solaires), lesquels leur avaient donné un aspect uniforme. Beagle 2 devrait être à même de révéler leur variété intrinsèque.

L’autre outil, que faute de mieux on appelle " la taupe ", est capable de s’enfouir jusqu’à une profondeur de 1,50 mètre dans un rayon de 1,80 mètre autour de Beagle. Son corps creux va permettre de récupérer les échantillons de sol sous forme d’une carotte. Tout comme les échantillons recueillis par l’outil abrasif, ces carottes de sol souterrain auront été préservées des conditions régnant à la surface. On estime ainsi augmenter les chances d’y trouver des indices sur la présence d’une éventuelle forme de vie passée ou présente.

Au fur et à mesure de leur collecte, les échantillons seront ramenés à bord du " labo " de Beagle 2 et chauffés dans un des ses trois fours. Les gaz qui seront alors dégagés par ce chauffage seront analysés par un spectromètre de masse.

Beagle 2 y recherchera d’éventuelles signatures biologiques en prêtant une attention particulière aux types de carbone qui seront produits par la cuisson. Schématiquement, il existe à la fois un carbone " léger ", le carbone 12, et un carbone " lourd ", le carbone 13. Sur Terre, les organismes vivant utilisent de préférence le carbone léger, qu’ils métabolisent de façon privilégiée. Aussi si le spectromètre révèle que dans un échantillon considéré on trouve plus de carbone 12 que son abondance naturelle permettait de s’y attendre dans un échantillon de sol non-organique, cela pourrait être un indice fort du fait qu’une forme de vie s’y trouvait jadis.

Le spectromètre vérifiera aussi s’il trouve des traces de méthane. Ce gaz peut être un sous-produit d’une activité biologique. Sur Terre, ses principaux producteurs sont les ruminants et les marais, sur Mars il pourrait être produit par des micro organismes extrêmophiles. Dans les conditions martiennes, le méthane ne peut persister très longtemps. Il est détruit en quelques mois par les fortes radiations ultraviolet en provenance du Soleil et qui ne sont pas arrêtées par la très faible atmosphère martienne. Cela signifie que si Beagle 2 détecte une quelconque trace de méthane, quelque chose aura nécessairement dû le produire peu de temps auparavant. Mais comme le concède Gibson, " si Beagle 2 trouve du méthane, il y aura encore beaucoup de chemin pour démontrer à coup sûr que c’est bien un processus biologique qui l’a produit ".

Le 19 décembre, Mars Express a libéré Beagle 2. Depuis ce moment-là l’atterrisseur est entièrement livré à lui-même et aux lois de la pesanteur.

Le jour de Noël, il pénètrera dans l’atmosphère martienne à une vitesse de plus de 22 000 km/h. La résistance de l’atmosphère commencera alors à le ralentir, et la chaleur consécutive sera absorbée par un bouclier thermique. Plusieurs parachutes commenceront alors à se déployer à la suite, chacun ralentissant un peu plus Beagle 2. A 200 mètres de la surface, trois coussins gonflables se déploieront pour amortir le contact avec le sol.

Beagle 2 est prévu pour se poser quelque part dans le bassin d’Isidis Planitia. Ce site d’atterrissage a été choisi du fait de sa faible élévation, ce qui permettra de profiter au maximum de la faible atmosphère martienne pour ralentir la sonde avant la prise de contact avec le sol. De plus, Isidis Planitia est considérée comme un endroit susceptible d’abriter de la glace d’eau, en faisant un endroit naturellement privilégié pour la recherche de traces de vie.

Une fois que Beagle aura atterri, il s’ouvrira un peu comme les différentes coques d’une montre à gousset. Quatre panneaux solaire en émergeront, et commenceront à charger les batteries, et un signal d’arrivée à bon port sera transmis.

" Quand Beagle atterrira, nous ne serons pas immédiatement au courant de son état, car il faudra attendre que l’orbiteur Mars Odyssey passe à sa verticale pour relayer ses émissions " précise Gibson. Odyssey est un appareil de la Nasa en orbite autour de la planète rouge depuis deux ans. " Aussi nous ne saurons si l’atterrissage a réussi que 4 ou 6 heures après qu’il aura été effectué, lorsque nous recevrons le message de Beagle, le premier d’une série que nous espérons longue ".

Beagle devrait poursuivre sa mission pendant près de 6 mois, rassemblant des données et les transmettant vers Mars Express et Mars Odyssey qui les relaieront vers la Terre.

Quelques liens

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