Bio sentinelles ADN

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Karen Miller
traduction de Didier Jamet
9 OCTOBRE 2003

Dans l’espace, l’ADN est exposé sans protection au feu des ions lourds très énergétiques
Dans l’espace, l’ADN est exposé sans protection au feu des ions lourds très énergétiques

Science @ Nasa

Lorsque vous faites cuire des spaghettis, difficile de les distinguer les uns des autres dans la casserole. Mais imaginons que vous vouliez malgré tout en observer un en particulier. C’est simple, il suffit de tremper une fourchette dans le magma de spaghetti et de tirer. La Nasa finance les travaux de la biophysicienne Susan Muller (Université de Berkeley) pour faire la même chose avec des brins d’ADN. Quel rapport avec les astronautes ? Il se trouve que les astronautes sont constitués d’ADN…

Quand les scientifiques reçoivent un échantillon ADN pour analyse, ils sont généralement confrontés à un vrai plat de spaghetti eux aussi, une bobine de brins inextricable. Ils commencent par couper les brins en morceaux, puis clonent les fragments, marquent les copies, les rangent par taille puis les font correspondre à nouveau. Bref, c’est compliqué et ça prend du temps.

Muller et son collègue Eric Shaqfeh tentent de mettre au point une méthode beaucoup plus directe qui permettrait de démêler un seul brin d’ADN et de le faire tenir en place. Ils peuvent ainsi l’examiner en utilisant un microscope de laboratoire tout ce qu’il y a de plus banal.

Quel rapport avec les astronautes ? Il se trouve que les astronautes sont constitués d’ADN.

" Dans l’espace, les astronautes sont exposés aux radiations, et cela peut endommager leur ADN " explique Franck Cucinotta du programme sanitaire des radiations spatiales de la Nasa. Ce sont surtout les rayons cosmiques lourds qui posent problème, de très énergétiques noyaux d’atomes de fer par exemple, qui percutent les brins d’ADN comme des boulets de canon d’échelle atomique, entrainant des ruptures complexes appelées " dommages multiples de l’ADN ".

" Nous savons que sur Terre les cellules n’ont pas évolué de manière à savoir réparer de tels dégâts " poursuit-il. De nouveaux outils d’analyse de l’ADN sont donc requis " afin de s’attaquer au problème et de développer des remèdes. "

Quand l'ADN fait son stretching

Pour attraper un brin d’ADN et l’étudier, Muller utilise un écoulement fluide canalisé par un dispositif soigneusement conçu de quelques millimètres de long. Ce dispositif de contrôle de flux, avec son système de minuscules réservoirs reliés par des minicanaux, peut être très simple ou au contraire se révéler un véritable labyrinthe. Il y en a par exemple un en forme de croix, où les flux se croisent, et qui est très efficace pour allonger l’ADN. Celui de Muller est un peu plus compliqué : non content d’allonger l’ADN, il lui permet d’en étiqueter les brins avec un marqueur fluorescent et ainsi de les photographier.

L’ADN avec lequel elle travaille est celui d’un virus qui infecte les bactéries. " C’est la coqueluche des bio techniciens. Il a environ 48 000 paires de bases (ou 48 000 barreaux à l’échelle dADN si l’on préfère). Dans des conditions normales, il mesure 0,7 micron et flotte tranquillement dans la solution. Mais si vous pouviez complètement l’étirer, il mesurerait 22 microns, soit 10 fois plus long qu’une bactérie moyenne.

Pour étirer et maintenir les fragiles brins, un réseau d’obstacles soigneusement disposés interrompt le flux. " Si vous avez une forêt d’obstacles dans le flux, l’ADN s’encastre autour d’eux, y reste fixé et s’étire sous l’action du flux.

Une fois qu’un brin est étiré, Muller utilise des marqueurs fluorescents qui se fixent préférentiellement sur des parties intéressantes de l’ADN. Ces parties sont plus facilement repérées par les marqueurs grâce à l’étirement.

Astronautes radiorésistants ?

Protéger les astronautes des radiations cosmiques est encore un problème non résolu, et il faudra s’y attaquer sérieusement avant d’envisager une quelconque exploration humaine du système solaire au-delà de l’orbite lunaire. Les approches actuellement envisagées privilégient la protection par divers boucliers, et la limitation du temps d’exposition des astronautes.

Les travaux de Muller ouvrent la possibilité de sélectionner les astronautes en fonction de leur résistance à ces radiations. De la même façon que certaines variétés de gènes sont plus sujettes aux mutations qui mènent à l’apparition de cancers comme celui du sein, d’autres pourraient être plus facilement endommagés par les intenses radiations cosmiques ; " On peut imaginer d’utiliser ce dispositif pour repérer les sujets qui ne sont pas à haut risque pour ce type particulier de mutations " confirme Muller. " On pourra rechercher des gènes particuliers, ou des séquences particulières dans un gène, qui sont associées à une " résistance aux radiations ".

La méthode est si simple qu’on peut également envisager de l’utiliser sous la forme d’un testeur portatif d’ADN. A quoi pourrait-il bien servir ? C’est ce que vous allez découvrir tout de suite dans la deuxième partie de cet article, " Bientôt des test ADN pour tous ? " (lien ci-dessous)

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

Voici la représentation classique d’un atome d’hélium. Son noyau est constitué de deux neutrons et de deux protons. Il est entouré de deux électrons situés dans le nuage électronique.
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