article de Thibaut Alexandre
24 MAI 2013
Par définition, un OVNI est un Objet Volant Non Identifié... par le témoin. Cela n'en fait pas pour autant un éventuel vaisseau extra-terrestre (aussi appelé soucoupe volante) venu faire du tourisme sur Terre.
La très grande majorité des cas d'OVNI relèvent d'observations d'objets ou de phénomènes parfaitement triviaux, mais non identifiés en tant que tel par les témoins pour différentes raisons : absence de culture scientifique, perte de l'habitude de regarder régulièrement le ciel du fait de la pollution lumineuse, conditions particulières d'observation, fatigue, etc.
À vrai dire, les sources de méprises OVNI sont légion : avions, laser de discothèques, planètes (Vénus se taillant la part du Lion) et depuis quelques années, les fameuses lanternes thaïlandaises, qui ont donné lieu ici même l'an dernier à de très intéressants développements suite à un témoignage initial.
Il existe aussi une autre source importante de méprise ufologique, dont on aurait pourtant pu croire qu'elle serait immédiatement identifiée par les témoins, la Lune ! Or l'expérience montre que, parfois, même la Lune est prise pour ce qu'elle n'est pas.
Dans la nuit du 12 au 13 mars 1977, à 3h00 du matin, M et Mme M. (anonymat de principe) rentrent chez eux par une petite route de campagne bourguignonne, quand soudain, juste avant l'entrée du village de Chambeire, ils aperçoivent à l'horizon, vers l'Est, une énorme demi-sphère orange. Ils observent l'étrange objet quelques instants, paniquent, puis rentrent chez eux.
Qu'ont-ils pu bien voir ? Un examen sur le redoutable planétarium virtuel Stellarium montre que dans la direction indiquée, la Lune en Dernier Quartier (et donc en demi-sphère...) était en train de se lever à l'horizon. Comme bien d'autres témoins, M et Mme M. ont simplement été victimes d'une méprise avec la Lune.
Vous souriez, pensant qu'il est impossible de ne pas reconnaître la Lune ? Et bien détrompez vous, car les raisons de se méprendre avec la Lune sont multiples.
A commencer par la couleur qu'arbore la Lune quand elle se lève ou quand elle se couche. Vous aurez sans doute remarqué que lorsque le Soleil se lève ou se couche, sa couleur est différente de celle qu'il a en pleine journée. Un Soleil bas sur l'horizon est en effet orange ou rouge, à cause des poussières et brumes d'horizon qui diffusent une partie de sa lumière, ainsi que vous pourrez le voir dans le livre Le ciel, un jardin vu de la Terre.
Une majorité du grand public l'ignore, mais ce phénomène s'applique également à la Lune (et accessoirement à Vénus). C'est pour cela que régulièrement, Ciel des Hommes reçoit des questions liées à la couleur rouge ou orange de la Lune lorsqu'elle est basse sur l'horizon : pour ne citer que quelques exemples, voyez plutôt ici, ici, là ou encore là.
Partant de cette méconnaissance, il n'est donc pas étonnant que nombre de témoins de méprises ufologiques liées à la Lune soient très surpris de la couleur rouge de leur OVNI. Dans bien des cas, les témoins pensent en premier lieu à la Lune, mais rejettent aussitôt cette hypothèse, car dans leur esprit la couleur ne peut a priori pas coller.
Ajoutons à cela qu'une Lune basse sur l'horizon est sujette à être masquée, au moins en partie, par le moindre relief (colline, arbre, bâtiment, etc) ou par le moindre voile nuageux. Son aspect visuel est alors tronqué, rendant son identification immédiate pratiquement impossible.
Il n'y a donc rien d'extravagant à ce que, que dans des situations particulières, la Lune soit prise pour un OVNI. Et ce type de méprise est loin d'être anecdotique : près de 10% des cas d'OVNI observés en France se révèlent après coup être des méprises avec la Lune. Cette proportion a néanmoins tendance à reculer depuis quelques années, devant la recrudescence des lâchers de lanternes thaïlandaises.
Par rapport à l'hypothèse extra-terrestre chère à une certaine catégorie d'ufologues, les hypothèses de méprises avec la Lune ont le très grand avantage d'être vérifiables et testables in situ. La mécanique céleste étant ce qu'elle est, la Lune obéit en effet à plusieurs cycles. L'un d'entre eux, connu depuis des siècles, est appelé Cycle de Saros. Tous les 18 ans et 11 jours, la Lune revient au même endroit dans le ciel (hauteur angulaire, azimut) avec la même phase. Alors certes, il faut être un peu patient, mais le jeu en vaut la chandelle puisqu'avec un décalage de seulement 11 jours, une reconstitution sur le terrain permet d'obtenir les mêmes conditions saisonnières (feuillage des arbres, météo globale, conditions d'éclairement).
En 1994, une association ufologique française, le CNEGU (Comité Nord-Est des Groupes Ufologiques), a ainsi pu tester quelques cas de la vague ufologique de 1976 potentiellement explicables par la Lune. Ces reconstitutions ont permis la réalisation du document « Opération SAROS (1976-1994) : Des ovnis reproductibles, une hypothèse vérifiée ».
Plus récemment, une reconstitution Saros effectuée à Marseille au cours de l'été 2012 a permis d'élucider le mystère planant sur un OVNI observé le 31 juillet 1994 au matin.
Enfin, c'est afin de pouvoir vérifier à l'échelle nationale des cas d'OVNI potentiellement explicables par la Lune (et ainsi épurer la casuistique ufologique) que le forum Ufo Scepticisme a créé depuis quelques mois la rubrique « Vérification SAROS ».
C'est ainsi que l'observation de Chambeire a pu être vérifiée in situ, dans la nuit du 1er au 2 avril dernier, à l'issue de deux cycles de SAROS. Comme on pouvait s'y attendre, la Lune se situait en lieu et place de l'OVNI observé 36 ans plus tôt.
Comme l'astronomie, l'ufologie est une école de patience. Avec cet exemple, nous venons de démontrer qu'une bonne connaissance de la première évitait de tomber dans les délires que suscite encore trop souvent la seconde. Et vous, qu'en pensez-vous ? Et si on en discutait sur notre groupe Facebook ? Vous êtes les bienvenus !
