Éruptions solaires : pas d'apocalypse en vue

article de Didier Jamet
30 DECEMBRE 2012

Eruption solaire
Eruption solaire

OBPSM

3 milliards de fois le souffle de la plus destructrice des bombes atomiques sur Terre... Ces chiffres donnent une idée de l'énergie maximale qu'une éruption solaire peut libérer. L'estimation en a été faite par cinq astronomes et chercheurs CNRS de l'Observatoire de Paris1, ainsi qu'un collègue de Lockheed Martin à l'approche du pic du cycle d'activité de 11 ans de notre étoile, prévu en 2013.

Les scientifiques ont utilisé leur expertise en matière de modélisation numérique et d'observation des taches magnétiques solaires. La plus forte des éruptions imaginables n'a pas encore été observée. Cependant, en aucun cas le Soleil ne conduira à "l'apocalypse" ou à la "fin du monde" en vogue en cette fin 2012.

Les éruptions solaires affectent non seulement l'atmosphère du Soleil lui-même, mais aussi l'environnement de notre planète. Ainsi, la quantification de l'énergie maximale en jeu est une question clé de l'astrophysique et de sa branche appliquée qu'est la météorologie de l'espace. Les plus grandes éruptions solaires observées au cours des dernières décennies ont atteint des énergies de quelques 10 puissance 25 Joules, voire 10 puissance 26. Des super éruptions sur des étoiles actives de type solaire atteignent jusqu'à 10 puissance 29 Joules.

En l'absence d'observation directe d'événements aussi puissants sur le Soleil, des méthodes d'investigation complémentaires sont requises afin d'évaluer la possibilité d'éruptions solaires plus intenses que celles observées jusqu'à présent. Une équipe constituée de cinq chercheurs de l'Observatoire de Paris et d'un collègue de Lockheed Martin a pu relier l'énergie des éruptions solaires à la taille des groupes de taches magnétiques sombres au-dessus desquelles elles se déclenchent. Les scientifiques ont combiné la plus pertinente des simulations numériques en magnétohydrodynamique, avec plus d'un siècle d'archives historiques des taches et de régions actives présentes à la surface du Soleil. Celles-ci proviennent entre autres d'observations quotidiennes effectuées sur le site de Meudon de l'Observatoire de Paris.

Événements les plus forts

En considérant le plus grand groupe de taches solaires jamais observé, en avril 1947, les chercheurs ont ainsi prédit la valeur maximale de l'énergie susceptible d'être libérée par une éruption. Le résultat, obtenu par analyse conjointe de la théorie et des observations, se monte à environ 6 x 10 puissance 26 Joules. C'est-à-dire 600 millions de millions de millions de millions de Joules. Bien que ce chiffre paraisse impressionnant, il correspond à l'énergie totale rayonnée par le Soleil en deux secondes seulement. La limite supérieure sur l'énergie des éruptions solaires s'avère tout de même dix fois plus importante que la valeur mesurée pour l'éruption de classe X17 du 28 octobre 2003, événement majeur de la météorologie spatiale. Elle se révèle aussi six fois plus élevée que l'énergie estimée de l'éruption de classe X28-40 du 4 novembre 2003, dont les rayonnements avaient saturé tous les détecteurs des télescopes spatiaux. Cet événement demeure à ce jour le plus fort observé avec des instruments modernes. Il se compare à celui enregistré en 1859 par l'astronome britannique Richard Carrington.

Une question non abordée dans ce travail reste la capacité de la dynamo convective interne au Soleil à produire les immenses groupes de taches nécessaires, selon le modèle, pour générer de fortes super éruptions. Cette situation semble invraisemblable, rappellent les astrophysiciens auteurs de l'étude. En effet, de tels groupes géants n'ont jamais été relatés en quatre siècles d'observations scientifiques, ni au cours de millénaires de levers et de couchers de Soleil visibles partout dans le monde. On peut donc raisonnablement supposer qu'au cours des quelques derniers milliards d'années de son évolution sur la séquence principale, le Soleil n'a jamais produit - ni ne produira jamais - une éruption plus puissante que ce maximum calculé.

"Toutes les éruptions observées jusqu'à présent se sont trouvées en-deçà de la limite supérieure", résume Guillaume Aulanier, astronome à l'Observatoire de Paris, "cependant depuis quelque 160 ans, nous avons vécu plusieurs épisodes d'intensité comparable. Chacune de ces fortes éruptions a eu des conséquences notables sur l'environnement spatial de la Terre - et sur notre monde technologique évolué. Prédire les futurs événements constitue donc un enjeu important. Mais, c'est certain : ils ne déclencheront pas de catastrophe assimilable à la fin du monde."

Ces résultats paraissent en ligne le 20 décembre 2013, et dans la revue Astronomy and Astrophysics en janvier 2013.

Collaboration
L'étude a été conduite par Guillaume Aulanier, Pascal Démoulin, Miho Janvier, Etienne Pariat et Brigitte Schmieder, de l'Observatoire de Paris et du CNRS, ainsi que Carolus Schrijver de Lockheed Martin (Palo Alto, Californie). Les observations historiques enregistrées par le spectrohéliographe du site de Meudon (Hauts-de-Seine) de l'Observatoire de Paris ont été numérisées par Isabelle Bualé, observateur solaire. Elles peuvent être consultées sur la base de données BASS2000 bass2000.obspm.fr. Le travail de Miho Janvier est financé par le fonds AXA pour la recherche. Les modèles d'éruptions solaires ont été mis en oeuvre sur les calculateurs de la Division Informatique de l'Observatoire de Paris.

Références

The standard flare model in three dimensions, II. Upper limit on solar flare energy, à

paraître en janvier 2013 dans Astronomy and Astrophysics.

http://dx.doi.org/10.1051/0004-6361/201220406

The standard flare model in three dimensions, I. Strong-to-weak shear transition in

post-flare loops, publié en juillet 2012 dans Astronomy and Astrophysics.

http://dx.doi.org/10.1051/0004-6361/201219311

Estimating the frequency of extremely energetic solar events, based on solar,

stellar, lunar, and terrestrial records, de Carolus Schrijver et ses collaborateurs, paru

en août 2012 dans le Journal of Geophysical Research.

http://dx.doi.org/10.1029/2012JA017706

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