Les très étranges tribulations de la météorite « Paris »

article de Didier Jamet
2 FEVRIER 2010

Ce soir, le journal de 20h de France 2 présentera une météorite de 1,3 kg d’un intérêt prétendument exceptionnel. Passons sur le fait que cette annonce soit faite dans un média de masse à une heure de grande écoute alors qu’aucune publication scientifique dans une revue à comité de lecture sur le véritable intérêt de cette météorite ne soit encore parue. Non, ce qui nous intrigue le plus, c’est l’histoire qui est vendue avec cette météorite, laquelle présente des détails tout à fait rocambolesques, pour ne pas dire hautement suspects. La véritable histoire de « Paris » est-elle bien celle qu’on nous raconte ?

Si l’on en croit la belle histoire qui nous est racontée, c’est un certain Jean-Jacques Corré, collectionneur de son état, qui aurait été le bénéficiaire d’une incroyable bévue des commissaires-priseurs de l’hôtel Drouot. En 2001 en effet, il y aurait acheté aux enchères un lot de statuettes africaines. Rentré chez lui, il aurait découvert sous les statuettes un étrange caillou noir « emballé dans une serviette de toilette entreposée dans un carton d’emballage d’esquimaux ». Notez la richesse de détails délicieusement anecdotiques. Et notez aussi comment en l’espèce les gens de chez Drouot chargés en 2001 d’expertiser les pièces et lots mis en vente auraient été, si cette histoire est vraie, d’une incroyable désinvolture.

La où l’affaire devient encore plus étrange, c’est lorsque ce collectionneur avisé affirme avoir attendu 6 ans pour faire analyser le dit caillou à l’université de Nantes, où il aurait eu la confirmation qu’il s’agissait bien d’une météorite. 6 ans… c’est un peu long, non ? Imaginez que vous découvriez un tel « bout de charbon » au milieu d’un lot de statuettes africaines. Soit la chose vous apparaît sans valeur aucune et vous la mettez en décharge, soit vous envisagez qu’elle puisse avoir une quelconque valeur et vous vous mettez immédiatement en quête d’un expert, non ?...

Toujours est-il que fin 2008, M. Corré s’en va voir à Paris Mme Zanda, responsable de la collection de météorites du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Et là, déclare Mme Zanda à l’AFP, « j’ai tout de suite constaté qu’il s’agissait d’une météorite de type chondrite dans un état de conservation exceptionnel. Il s’agit d’une météorite extrêmement fraîche » (c’est nous qui soulignons). Ainsi donc, une météorite « extrêmement fraîche » (c’est à dire ramassée très peu de temps après sa chute) de 1,3 kg aurait fini dans l’indifférence générale dans une salle des ventes sous une collection de statuettes africaines. Très très belle histoire décidément... C’est d’ailleurs sans doute pour ne pas la gâcher avec des considérations triviales que Mme Zanda ne précise pas le prix auquel le Muséum National d’Histoire Naturelle, c’est-à-dire vous, moi et tous les gens qui paient de la TVA lorsqu’ils achètent leur baguette de pain, a fait l’acquisition de cette pièce exceptionnelle... tout au plus Mme Zanda consent-elle à nous révéler qu’il s’agit d’un « prix raisonnable, en dessous du marché. » Contribuables, mes frères et soeurs, réjouissons nous...

Vous l’aurez compris, au sein de la rédaction de Ciel des Hommes, nous sommes très dubitatifs sur cette « belle histoire » qui à notre goût concentre un peu trop de détails, disons, « pittoresques », quand il ne s’agit pas de parfaites zones d’ombres. Mais comme nous n’avons ni le temps ni les moyens de mener une enquête approfondie, nous allons dire que nous y croyons...

Cependant nous nous permettons tout de même de vous renvoyer vers cette page qui, sans que nous partagions tous les points de vue de ses auteurs, notamment concernant le financement du terrorisme, pourrait fournir la trame d’une explication nettement moins extravagante quant à la véritable origine de cette météorite « extrêmement fraîche ».

Dans un contexte de trafic et de pillage néo-colonialiste généralisé face auquel les pays victimes commencent à réagir, c’est vraiment une divine surprise que de voir surgir cette belle météorite « d’origine inconnue »...

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