EAS, un retour sur Terre au goût amer

article de Didier Jamet
2 NOVEMBRE 2008

Le réservoir d\'ammoniac EAS photographié peu de temps après son départ de l\'ISS
Le réservoir d'ammoniac EAS photographié peu de temps après son départ de l'ISS

Nasa

Un gros réservoir d’ammoniac de plus de 600 kg, l’EAS (Early Ammonia Servicer), largué par la Station Spatiale Internationale le 23 juillet 2007, devrait rentrer dans l’atmosphère terrestre dans les heures qui viennent. Sa dernière orbite théorique passant au dessus de la France, il n’est pas exclu que les insomniaques de l’hexagone puissent admirer une très belle boule de feu volant du nord-ouest au sud-est vers 3h30 du matin le lundi 3 novembre 2008.

Au-dessus de nos têtes croisent actuellement plus de 12 500 objets d’une taille supérieure à 10 cm. Ils représentent la face peu reluisante de la conquête spatiale, laquelle a, durant ses 50 premières années d’existence, semé avec insouciance des débris de toutes sortes sur toutes les orbites utiles, et ce toutes puissances spatiales confondues.

Ces dernières se sont cependant attelées au problème au tournant des années 2000, et cherchent actuellement des solutions pour limiter la prolifération des débris. Ainsi lors du lancement de l’ATV Jules Verne en mars 2008, le CNES a pour la première fois procédé à la rentrée contrôlée de l’étage supérieur d’Ariane en effectuant un réallumage du moteur Aestus de l’Etage à Propergols stockables. En dépit de ces initiatives méritoires, il n’empêche que l’écrasante majorité des immondices produits jusque là restera en orbite pendant des centaines, voire des milliers d’années, mettant en péril les activités spatiales du siècle prochain.

L’un de ces débris cessera cependant d’être un problème dans les heures qui viennent, puisque les calculs d’orbitographie montrent qu’il rentrera prochainement dans l’atmosphère, se consumant sous la chaleur extrême (supérieure à 1600° C) dégagée par le frottement contre l’atmosphère. Reste que l’incertitude est grande sur son heure de rentrée, 4h46 du matin plus ou moins … 15 heures !

Ce débris, EAS, est un réservoir qui jusqu’en 2006 équipait le système de climatisation de la Station Spatiale Internationale. Réservoir tampon, son rôle était de recueillir et stocker l’ammoniac en attendant la réparation en cas de fuite sur le circuit. Dans la pratique, il ne fut jamais utilisé. Devenu définitivement sans objet après la mise en service de nouveaux équipements de climatisation en décembre 2006, le choix a été fait de le passer par dessus bord en juillet 2007. On aurait bien sûr pu préférer qu’il revienne sur Terre dans la soute d’une navette spatiale, mais ce genre d’encombrant, ayant été en contact avec des fluides toxiques, n’est pas des plus simples à gérer lors du retour sur Terre d’un véhicule avec équipage.

C’est ainsi que ce réservoir grand comme deux réfrigérateurs américains et pesant 635 kilogrammes rentrera sur Terre par ses propres moyens d’ici 24 heures. Etant donné sa taille, il y a fort à parier qu’une partie de ce réservoir survivra à la rentrée. Les experts estiment généralement qu’au moins 20% de la masse des gros débris traverse entièrement l’atmosphère et atteint la surface. En l’espèce, on peut donc s’attendre à ce que 120 kg de ferraille tombent, non pas sur nos têtes de gaulois superstitieux, mais quelque part dans les 70% de mers qui recouvrent la planète, ou dans quelque immensité désertique.

Plus sérieusement, s’agissant des risques de faire des victimes au sol, ils sont en réalité infimes. Lorsque les 100 tonnes de la navette Columbia se sont désintégrées au-dessus du Texas en février 2003, on a calculé rétrospectivement qu’il y avait eu 30% de « chances » de faire des victimes au sol ou dans les avions qui se trouvaient sur zone. Fort heureusement, il n’y eut aucune victime au sol ou dans les airs ce jour là, et jamais personne n’a été tué par la chute d’un débris spatial, sauf ceux qui se trouvaient à bord. L’espace n’est généralement un milieu vraiment dangereux que pour ceux qui s’y aventurent. Bonne nuit !

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