Rosetta entame son Odyssée avec succès

article de Didier Jamet
2 MARS 2004

Vue d’artiste de Rosetta et de son atterrisseur Philae lancés à la poursuite de Chury
Vue d’artiste de Rosetta et de son atterrisseur Philae lancés à la poursuite de Chury

Esa

Lancée à la seconde près mardi matin depuis la base spatiale de Kourou, la sonde européenne Rosetta se trouve maintenant sur une trajectoire autour du Soleil qui lui permettra de rejoindre la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko en 2014, au terme d’un long périple au cours duquel elle aura effectué trois survols de la Terre et un de Mars.

Pendant ce voyage de dix ans dans l’espace, Rosetta passera à proximité d’au moins un astéroïde.

Il s’agit de la première sonde conçue pour se placer en orbite autour du noyau d’une comète et larguer un module qui devra se poser sur ce dernier. Pendant plus d’un an, Rosetta analysera en détail ce reliquat de la nébuleuse primitive qui a donné naissance à notre système solaire voici quelque 5 milliards d’années.

Le lanceur européen Ariane-5 choisi pour la mise en orbite de Rosetta a

décollé du Port spatial de l’Europe (Centre spatial guyanais, à Kourou) le

2 mars à 8h17 heure de Paris (7h17 GMT). Après ce lancement réussi,

l’étage supérieur d’Ariane et sa charge utile ont été injectés sur une

orbite de croisière excentrique (200 x 4 000 km). Environ deux heures plus

tard, à 10h14 heure de Paris (09h14 GMT), le moteur de l’étage supérieur

s’est allumé, imprimant au véhicule spatial l’accélération nécessaire pour

que celui-ci échappe à la force d’attraction de la Terre et se place sur

une orbite héliocentrique. Environ 18 minutes plus tard, la sonde s’est

séparée de l’étage du lanceur.

" Après le récent succès de Mars Express, l’Europe se tourne maintenant

vers l’espace lointain avec une autre mission fantastique ", a déclaré

Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l’ESA. " Il faudra maintenant

faire preuve de patience puisque le rendez-vous avec la comète n’aura lieu

que dans dix ans, mais le jeu en vaut la chandelle ", a-t-il ajouté.

L’ESOC, le centre de contrôle des satellites de l’ESA, implanté à

Darmstadt (Allemagne), a établi le contact avec Rosetta, qui s’éloigne

actuellement de la Terre à une vitesse relative de l’ordre de 3,4 km/s. Il

assurera la commande et le contrôle de la sonde spatiale ainsi que les

calculs d’orbite tout au long de la mission. Pendant les huit mois à

venir, les ingénieurs vérifieront les systèmes placés à bord de la sonde

et procéderont à la mise en service de sa charge utile scientifique.

Une odyssée de dix ans

Rosetta sera réactivée lors des survols planétaires, qui imprimeront une

nouvelle trajectoire à la sonde grâce aux manoeuvres d’assistance

gravitationnelle. Au cours de ce voyage la sonde pourra observer un ou

plusieurs astéroïdes, l'observation des astéroïdes étant un des objectifs

secondaires de sa mission.

La première rencontre planétaire aura lieu en mars 2005, quand Rosetta

passera une première fois à proximité de la Terre. Ce survol, et l’effet

d’assistance gravitationnelle qui en découlera, permettra à la sonde de se

diriger ensuite vers Mars, qu’elle atteindra deux ans plus tard.

En février 2007, Rosetta passera à environ 200 km de la Planète rouge et

réalisera une série d’observations scientifiques. Ce survol de Mars sera

suivi d’un autre passage dans le voisinage de la Terre en novembre de la

même année. A la faveur de ces deux rencontres planétaires, la sonde

bénéficiera d’un regain d’énergie qui la propulsera dans la ceinture

d’astéroïdes.

Le troisième et dernier survol de la Terre, prévu en novembre 2009,

corrigera la trajectoire de Rosetta de manière à l’insérer sur l’orbite

voulue pour atteindre la comète Churyumov-Gerasimenko.

A la mi-2011, alors qu’elle se trouvera à environ 800 millions de

kilomètres du Soleil, Rosetta allumera son moteur principal pour effectuer

une importante manoeuvre qui l’amènera sur une trajectoire de rendez-vous

avec la comète. A la suite de cette manoeuvre, la sonde devra encore

cheminer presque trois ans avant d’atteindre sa cible.

Rosetta sera définitivement réactivée en janvier 2014. Elle amorcera alors

une phase d’approche de six mois qui la conduira lentement vers le noyau

de la comète Churyumov-Gerasimenko. Compte tenu de la grande distance

séparant la comète du Soleil à cette étape de la mission, le noyau devrait

alors être inactif.

Le rendez-vous avec la comète

Comme la comète 46P/Wirtanen, initialement prévue comme objectif avant le

report du lancement de Rosetta début 2003, la comète

67P/Churyumov-Gerasimenko est une comète périodique, qui a été " piégée "

dans le système solaire interne après avoir frôlé Jupiter de trop près.

Elle a été découverte en septembre 1969 à l’Institut d’astrophysique

D’Almaty (Kazakhstan) par l’astronome Klim Churyumov, de l’Université de

Kiev (Ukraine), sur des photographies prises par sa collègue Svetlana

Gerasimenko, de l’Institut d’astrophysique de Douchanbe (Tadjikistan).

Rosetta se mettra en orbite autour du noyau en août 2014, à une altitude

d’environ 25 km. Elle dressera alors une cartographie détaillée de la

surface et un site sera choisi pour l’atterrissage du module Philae. Cet

atterrisseur de 100kg sera largué à environ 1 km d’altitude et il se

posera à la vitesse d’un marcheur, en raison de la faible force

d’attraction du noyau. Il faudra même que l’atterrisseur s’ancre à la

surface du noyau à l’aide de deux harpons pour éviter de rebondir.

Il est prévu que Philae mènera ses activités pendant plusieurs semaines ;

il transmettra des images de très haute résolution ainsi que des

informations sur la surface du noyau. Ces données seront retransmises à la

Terre par l’orbiteur Rosetta.

La sonde Rosetta poursuivra pour sa part ses observations du noyau de la

comète pendant plus d’un an, au moins jusqu’en décembre 2015, et sera aux

premières loges pour suivre le " réveil " de la comète tandis qu’elle

s’approchera du Soleil et passera au périhélie en octobre 2015.

Les instruments

La sonde Rosetta a été construite pour l’ESA par une équipe industrielle

comprenant plus de 50 sociétés européennes, dirigée par EADS Astrium. Ce

véhicule spatial de trois tonnes est équipé d’un réseau solaire d’une

envergure totale de 32 mètres. C’est la première fois qu’une sonde

destinée à voyager au-delà de l’orbite de Mars utilise des cellules

solaires pour son alimentation. En plus de l’atterrisseur Philae, Rosetta

emporte une charge utile scientifique de 165 kg composée de 11

instruments, développés en partenariat par les États membres de l’ESA et

par les États-Unis.

Quatre de ces instruments sont spécialisés dans l’étude du noyau : le

spectromètre dans l’ultraviolet ALICE, la caméra à haute résolution

OSIRIS, le spectromètre imageur VIRTIS et le radiomètre/spectromètre

hyperfréquences MIRO. Trois autres instruments étudieront la composition

du noyau et de ses émanations : les spectromètres COSIMA et ROSINA ainsi

que le microscope MIDAS. L’instrument GIADA analysera les poussières

provenant du noyau tandis que les détecteurs RPC étudieront la structure

interne de la chevelure de la comète et son interaction avec le vent

solaire. Les deux autres instruments, CONSERT et RSI, travailleront dans

les ondes radio, l’un pour sonder la structure interne du noyau, l’autre

pour déterminer la distribution des masses à l’intérieur de celui-ci et la

structure de la chevelure.

L’atterrisseur Philae, développé sous la conduite du Centre allemand de

recherches aérospatiales (DLR), emporte 9 instruments fournis par les

États membres de l’ESA en partenariat avec les États-Unis, la Hongrie et

la Russie. Les caméras ÇIVA/ROLIS livreront des vues panoramiques et

stéréoscopiques à haute résolution. Les instruments APXS, COSAC et Ptolemy

analyseront la composition du sol. Le sismomètre SESAME sondera la surface

jusqu’à une profondeur de 2 m tandis que l’instrument MUPUS en établira

les caractéristiques grâce aux détecteurs installés sur le harpon. Le

magnétomètre ROMAP et un deuxième modèle de l’expérience CONSERT

étudieront le champ magnétique et ses interactions avec le vent solaire.

Rosetta doit son nom à la pierre de Rosette, découverte en Égypte il y a plus de 200 ans, qui a permis aux égyptologues du 19ème siècle de déchiffrer les hiéroglyphes et de voir sous un jour nouveau trois millénaires d’histoire et de culture de l’Egypte ancienne.

On espère aujourd’hui que Rosetta, en réalisant une étude détaillée du noyau d’une comète et des astéroïdes survolés, permettra à la communauté scientifique de résoudre le mystère des origines de notre système solaire et de mieux comprendre les mécanismes régissant la formation de systèmes planétaires autour d’autres étoiles.

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