article de Laurent Laveder
10 AOUT 2002
Contempler la Lune avec un instrument d’amateur est déjà un spectacle magnifique, bien que la résolution soit d’environ 1 seconde d’arc. Imaginez maintenant que vous êtes en mesure de distinguer des détails de 0,07 seconde d’arc, soit environ 130 m. C’est justement ce que vient de faire le VLT.
Le 30 avril 2002, les techniciens de Yepun (un des 4 télescopes de 8,2 m de diamètre du VLT) ont tourné ce cyclope géant en direction de la Lune. A l’aide du NACO, un système d’optique adaptative fonctionnant dans l’infrarouge, ils ont réalisé ce qui est certainement la meilleure image de la Lune jamais obtenue depuis la Terre.
Avec une résolution de 0,07 seconde d’arc, l’image présente des détails lunaires d’à peine 130 m de côté. Cette résolution correspond à ce que verrait un astronaute en orbite à 400 km au-dessus de la surface de la Lune. Au moment de la prise de vue, la Lune était à environ 370 000 km de la Terre.
Pour l’échelle…
L’image nous plonge sur le rebord du vieux cratère érodé Taruntius, situé entre les Mers de la Tranquillité et de la Fécondité, à 6 degrés nord de latitude lunaire. Lorsque la photo a été prise, le Soleil n’était qu’à 7 degrés de hauteur dans le ciel de Taruntius. De ce fait, les ombres projetées sont très longues (elles mesurent environ 8 fois la hauteur réelle du relief) et permettent de voir des détails invisibles si le Soleil avait été à la verticale du cratère.
Perspective
Le champ de l’image couvre 60 km par 45 km. Pourtant l’image est carrée ! Mais les 60 km tiennent compte du fait que cette région est située près du bord de la Lune, donc qu’elle présente une forte perspective. Pour donner une idée de l’échelle, le cratère coupé en haut de l’image, le cratère Cameron, mesure environ 10 km de diamètre. Quant à l’étroite vallée traversant l’image, elle mesure 50 km de long pour une largeur moyenne de 600 m. Enfin, les deux pics situés en bas de l’image et qui projettent de longues ombres d’environ 4 km de long mesurent 500 m de haut.
Les prouesses de l’optique adaptative
Pour obtenir cette image incroyable, les astronomes ont utilisé le dispositif d’optique adaptative NAOS-CONICA (surnommé NACO). Cet instrument consiste en un miroir qui se déforme très rapidement afin de compenser les perturbations provoquées par la turbulence atmosphérique qui trouble les images.
Normalement, le NACO utilise une étoile, car cet astre très lointain est considéré comme ponctuel. Sachant que l’astre est normalement ponctuel, le miroir est déformé afin de faire un point de la tache formée par l’étoile.
Ruse d’astronomes
Ici, il était impossible d’utiliser une étoile, car il aurait fallut en trouver une trop loin du champ du télescope. Les corrections n’auraient pas correspondu à la turbulence affectant le champ lunaire. Les astronomes ont donc rusé en utilisant un pic lunaire à l’aspect quasiment ponctuel qui a fait office d’étoile. Et le résultat (0,07 seconde d’arc) leur donne raison, car à la longueur d’onde utilisée (2,3 micromètres), la résolution théorique est de 0,068 seconde d’arc. Pas si mal !
La pose a duré 0,22 seconde. C’est plutôt long pour un 8,2 m, mais l’utilisation d’un filtre infrarouge très étroit, donc ne laissant passé que très peu de lumière, a nécessité une pose si longue.
C’est le premier essai réalisé sur la Lune par l’un des VLT et les astronomes pensent déjà à renouveler l’exploit, même si Clementine a déjà photographié presque toute la surface de la Lune avec une résolution de 125 à 250 m. Cependant, le VLT a encore la possibilité de battre le satellite Clementine en observant la Lune dans le domaine visible. Mais ce type d’observation n’est pas encore programmé dans le calendrier des observations.
Cet article est tiré d’un communiqué de presse publié par l’ESO (en anglais). Vous y trouverez les photos accompagnant l’article en haute résolution.